Le touriste en quête de trésors d’architecture

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Le tourisme architectural s’est beaucoup développé ces dernières années, les bâtiments signés par des stars de la profession attirant les foules. Mais profiter de l’été pour partir à la découverte de l’architectural locale est tout aussi original.

Crédits: Marco Borggreve

La fondation Louis Vuitton de Frank Gehry à Paris, son musée Guggenheim à Bilbao, le musée MAXXI de Zaha Hadid à Rome ou encore le Palais des sports olympiques à Turin d’Arata Isozaki font partie des bâtiments les plus visités par les touristes dans le monde. «Pendant longtemps, l’architecture a suivi un programme, afin que le visiteur découvre les œuvres. Puis, avec le Guggenheim de Bilbao le musée d’art  devient une excuse à une œuvre architecturale majeure», explique Jean-Daniel Jeanneret, ancien architecte cantonal responsable des biens du patrimoine à Neuchâtel. La starification de certains architectes et le souvenir d’icônes font que l’on va voir l’écrin plus que les œuvres qu’il contient.>> À lire aussi: Découvrez la Suisse en marchant

De plus en plus de familles en 2019 privilégient des déplacements culturels en restant «dans le coin». Une question pratique, certes, car la charge mentale de l’organisation des excursions ne diminue pas en raison de l’arrivée du soleil, mais aussi une envie de découvrir les attraits touristiques locaux, parfois signés par des architectes suisses de grande envergure.

Valais pour toujours

L’église d’Hérémence. Crédits: Philippe Nendaz.

Comme tout le monde passe par le Valais, pourquoi ne pas aller expier ses péchés à l’église d’Hérémence? «Les gens s’intéressent de plus en plus à ce qui se passe dans un rayon proche. On tend à prendre moins l’avion, la grande mobilité se recentre, on revient fortement à des objets comme cet édifice», indique Bruno Marchand. Ce bâtiment en béton, construit par Walter Förderer, a pour caractéristiques le raffinement du fait que l’architecte zurichois envisageait aussi son métier à la manière d’un sculpteur. Son intégration au paysage, l’église semble sortie de terre, a remué les esprits lors de sa construction entre 1967 et 1971. Les détails, les 50 nuances de gris, les jeux de lumière sur le béton renvoient une odeur de sainteté pour la fraternité de Saint-Nicolas, qui donne son nom à l’église. Force et caractère sont les mots d’ordre de cet édifice élevé à la gloire de Dieu dont l’intention des lignes abruptes, sa situation en pente et son fini brut ont été critiqués, ne laisse en aucun cas indifférent.

Juste en face 

À la nage c’est possible, mais la CGN vous « rapproche l’autre rive », comme l’indique son slogan. Lausanne–Évian-les-Bains en vingt minutes, et pas seulement pour les frontaliers. Sur place, outre le brillant Palais Lumières, un trésor se cache dans le bois du resort des hôtels Royal et Hermitage : La Grange au Lac. Cette salle de spectacles construite par l’architecte Patrick Bouchain intégralement en bois de bouleau, aux lustres étincelants, abrite chaque année les Rencontres musicales d’Évian. Depuis 2014, la grange aux airs shakespeariens et aux loges dignes des plus belles scale du monde ravit les visiteurs qui, le temps d’un verre d’eau ou d’une cure aux thermes de la ville lacustre, pourront également aller admirer la buvette Prouvé-Novarina, dont les travaux prendront fin en décembre 2019. 

La structure porteuse de cette dernière joue sur l’asymétrie grâce à son système de béquilles typiques du style de l’ingénieur Jean Prouvé. Ces équerres légères telles des pointes de ballerines offrent un volume aéré, dans un espace qui unit des matériaux comme le bois, le métal et l’acier. Les parois en verre offrent une vue imprenable sur le lac Léman. Mais à Evian, c’est aussi tout un patrimoine Art nouveau que la ville cherche désormais à valoriser pour attirer ce tourisme culturel émergent. «Nous avons lancé les travaux de la Buvette Cachat, joyau de l’architecture d’Evian, avec le concours de la Fondation du Patrimoine. Les nombreuses rénovations permettront d’optimiser la fréquentation de nos sites d’ici à fin 2020», signale Stéphane Cannesant, directeur d’Évian tourisme

Des murs éternels

«Il y a une différence entre un tourisme architectural et un tourisme patrimonial, qui implique une visite plus pittoresque que celle de l’appréciation de l’objet», souligne Jean-Daniel Jeanneret. Si on se rend à Berne ou à Morat on s’imprègne de l’ambiance globale, tandis que le tourisme architectural permet de s’arrêter devant un bâtiment pour en comprendre les intentions.>> À lire aussi: Va-t-on vider les musées?

Parmi les objets significatifs, la Suisse compte une église, dont l’architecte était une femme. Jeanne Bueche, originaire de Delémont, a projeté la chapelle de l’ancienne commune de Vellerat, une localité ayant fusionné avec Courrendlin, dans le Jura. Elle est la première Romande à obtenir son diplôme d’architecte à l’École polytechnique fédérale de Zurich. Les lignes de cette construction sont très géométriques, le triangle rectangle visible ainsi que le clocher pyramidal, simple, épuré. La technique de Jeanne Bueche, que l’on retrouve malgré les différentes modifications au fil du temps, est magnifiquement agrémentée par le travail sur les vitraux, sous plomb, comptant deux verrières de 20 m2, de son ami André Bréchet. Pierre-André Comte, ancien maire de Vellerat, sait quel patrimoine culturel représente la chapelle : «Le tourisme à Vellerat se limite à la visite de Jurassiens amoureux du lieu. 

L’église de Vellerat. Crédits: P-A. Comte.

Il est aussi vrai que l’histoire politique de la commune continue d’intéresser des visiteurs de l’extérieur», mais les données de fréquentation ne sont à ce jour pas mesurables, le lieu étant ouvert au public sans billet. «Chiffrer la fréquentation de ces lieux est encore difficile car les objets sont en accès libre ou se visitent de l’extérieur, reprend Jean-Daniel Jeanneret. On tend aujourd’hui à se promener dans une sculpture architecturale. Les musées d’art ont également eu un regain d’intérêt par rapport à de grandes expositions thématiques faciles d’accès, comme celles que propose la Fondation Gianadda à Martigny.

Incontournable Corbu

Le tourisme architectural consiste à voir une série d’œuvres ou d’objets emblématiques d’une personne ou d’un style. En continuant l’itinéraire, l’incontournable Le Corbusier s’impose, avec à La Chaux-de-Fonds La Villa Jeanneret-Perret. L’Art nouveau de la région au XXe siècle est au sommet et la Maison blanche, construite par Charles-Édouard Jeanneret pour ses parents, marque le franchissement d’une étape pour Le Corbusier, afin d’entrer dans l’ère de la modernité. La lumière et l’espace sont ses chevaux de bataille, la simplicité dans les éléments de décoration, voire l’épure la plus totale pour une architecture tout en légèreté. Le toit-terrasse de la villa, son plan libre et ses fenêtres en bandeau le montrent. «Chaque année,  nous accueillons environ 4000 visiteurs en provenance du monde entier, explique Myrianne von Büren, chargée d’administration de l’Association Maison blanche. En majorité cependant, c’est le public de la Suisse allemande qui représente ce tourisme de niche. Ils sont connaisseurs de l’architecture de Le Corbusier et de son œuvre. Nous avons également un partenariat avec les sites de Le Corbusier en France et nous serons inscrits, dès 2020, sur les itinéraires culturels de France.» Lors de la visite, les pièces, les couleurs et les espaces seront expliqués, au-delà de la vie qui s’y est déroulée. 

La cabane dans l’arbre

Qui n’a jamais souhaité vivre dans une cabane dans les arbres dans un lieu féerique et tranquille ? Les résidences d’écrivains de la Fondation Michalski à Montricher, dont la maison commune a été réalisée par Alejandro Aravena, lauréat du Pritzker Prize en 2016, réalisent ces rêves. «La découverte culturelle propre évite de se rendre toujours ailleurs pour trouver des modèles de qualité, à tel point que les stars de l’architecture internationale viennent construire en Suisse», observe Bruno Marchand au sujet de ces onze maisonnettes, notamment celle dessinée par Kengo Kuma, suspendues à une canopée conçue par les architectes Vincent Mangeat et Pierre Wahlen. L’architecte japonais aime construire en Suisse parce qu’il trouve entre les deux pays des similitudes dans la discipline du bâti. Cette réalisation en béton, en acier et en bois local se fond dans le paysage, au pied du Jura. Fondée par Vera Michalski, la fondation a pour vocation de donner au livre un écrin unique où les écrivains du monde entier peuvent créer, penser et travailler à leur aise. Mais aussi de s’ouvrir au public qui vient en masse participer au programme de la fondation. «Chaque année, ce sont 10000 personnes qui fréquentent notre bibliothèque, note Aurélie Baudrier, responsable de la communication de la fondation. Il faut ajouter à cela les 9000 visiteurs de nos expositions et 6000 autres qui participent à nos différentes activités culturelles.»

Source: Bilan

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